Esquisse numérique #1, recherche visuelle du projet. © Dali Wu 2019.

La non-dualité de la vacuité et de l’existence (2019), projet de peintures Chan/Zen numériques contemporaines, utilisant des ambigrammes (mots-images réversibles), pour interroger à la fois la dualité et l’unité. Le projet explore ces notions à travers des contrastes tels que forme et vide, bien et mal, éveil et désir. Puisant dans les philosophies bouddhiques, il cherche à dissiper les illusions que nous entretenons à propos du réel.
S’inspirant de la tradition bouddhique tout en la revisitant de manière audacieuse et envoûtante, le projet propose une relecture de la formule bouddhique « 色空不二 » ( littéralement « la couleur/forme et le vide sont indissociables »). Dans le contexte bouddhique, 色 (se) désigne la matière / forme ; hors de ce contexte, le caractère évoque aussi la couleur. 空 (kong), « vide », symbolise la métamorphose et la mutation : rien n’a de substance propre car tout est en perpétuel changement. L'artiste cherche à fusionner ces concepts et à donner à voir un univers où matière et changement s’équilibrent dans une harmonie dynamique.

Esquisse numérique #2 & #3, recherches visuelles du projet. © Dali Wu 2019.

Études préparatoires. © Dali Wu 2019. Cliquez sur les images pour les agrandir.

« Duality (二元) = Oneness (一体) » (2019), version lettrée uniquement, œuvre numérique, 150 × 150 cm. © Dali Wu.

« duality (二元) = oneness (一体) »
Pourquoi l’ordinaire perçoit-il le monde sous le signe des contraires — bien/mal, pur/impur, beau/laid, noir/blanc — sans reconnaître que son visage originel est unis et indifférencié ? Cette pièce avance que la dualité est l’endroit de l’unité : l’opposition est l’écriture apparente d’une cohésion plus profonde.
Le travail explore ainsi désir, afflictions, mort, amour et soi comme autant de portails menant à l’unité. Plastiquement, la bidirectionnalité du mot-image fait se retourner la polarité sur elle-même jusqu’à ce qu’elle s’égalise— l’écriture et la forme équilibrant l’un et le multiple.

« Duality (二元) = Oneness (一体) » (2019), mot-image illustré, œuvre numérique, 150 × 150 cm. © Dali Wu.

« heart (心) = thorn (烦恼) » (2019), version lettrée uniquement, œuvre numérique, 150 × 150 cm. © Dali Wu.

« heart (心) = thorn (烦恼) »
« 心即是烦恼 » — le cœur est lui-même l’agrégat des afflictions.
La figure principale convoquée est Xue Baochai (薛宝钗) du Rêve dans le Pavillon rouge, décrite comme « sans passion et pourtant émouvante » et « ermite de montagne, cristallin comme la neige ». Ici, l’énoncé pictural rejoint l’énoncé bouddhique : « Connaître ainsi l’aspect véritable du non-né et du non-éteint, voir directement — comme en rêve et comme illusion — l’aspect réel ; par cette vision supérieure, toutes les ‘couleurs/formes’ (色) se manifestent. »
L’œuvre matérialise cette co-émergence : le cœur (heart/心) est présenté comme épine/affliction (thorn/烦恼), non par opposition, mais comme réversibilité intrinsèque — le lieu même où l’illusion peut se transmuter en clairvoyance.

« heart (心) = thorn (烦恼) » (2019), mot-image illustré, œuvre numérique, 150 × 150 cm. © Dali Wu.

« light (觉悟) / lust (淫欲) » (2019), version lettrée uniquement, œuvre vectorielle, dimensions variables. © Dali Wu.

« light (觉悟) / lust (淫欲) »
La pièce articule frontalement éveil et désir. 
Le désir est commun à tous les êtres : « Si le désir n’était pas lourd, on ne naîtrait pas en Saha (le monde actuel, littéralement “endurance”) » (Dix doutes sur la Terre Pure). Pourtant, la tradition rappelle aussi l’axiome « l’affliction est la bodhi » : le sixième patriarche affirme que la nature de luxure est aussi la nature de Bouddha. Au moment mêmeoù les cinq portes sensorielles touchent l’objet, si l’on ne se laisse pas entraîner par la scène, si — face à l’affliction — l’on voit comme des fleurs dans un miroir, comme la lune dans l’eau, les êtres de grande capacité peuvent attester l’éveil sur-le-champ et se libérer de la naissance et de la mort.
Sur le plan pictural, l’ambigramme light/lust est traité en ondes concentriques : une lune chatoyante dans l’eau, dont les moirures évoquent aussi les vortex optiques du Pop art — attraction et engloutissement du regard, métaphore de la jouissance : lune d’eau illusoire, et pourtant irrésistible.
Au centre du tourbillon, une petite chimère — orchidée noire et scarabée — cristallise les tensions symboliques : dans certains récits occidentaux, l’orchidée noire renvoie à la mort, au mal, à l’autorité et à l’obéissance absolue ; dans l’Égypte antique, le scarabée signifie renaissance et lever solaire.
À l’arrière-plan des lettres, des nuées flottent : d’abord corps féminins (hanches, seins, croupes) d’une douceur voluptueuse ; à l’examen, elles recèlent des figures en lutte, visages souffrants, ossements — double lecture du désir comme extase et déréliction.
L’espace de fond paraît monofocal (perspective à un point), mais se révèle plurifocal : une perspective dispersée, multidimensionnelle, en cohérence avec la logique non-duelle du projet.

« light (觉悟) / lust (淫欲) » (2019), mot-image illustré, œuvre numérique, 160 × 130 cm. © Dali Wu.

« Relativities » (2019), illustration numérique, 160 x 130 cm. © Dali Wu.

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